Dans leur apparence même d’évidente simplicité les toiles et les papiers de Michel Parys constituent une sorte d’archi-peinture :
La couleur s’y déploie dans l’espace blanc, au gré du parcours des brosses, en libres variations suivant un schéma générateur le plus souvent orthogonal . Ainsi et sans tapage, elles renouvellent sous nos yeux le propos originel de la peinture toute entière, qu’on avait presqu’oublié à force d’interroger tel ou tel de ses aspects : construire un espace qui traverse le temps.
Malgré une souplesse qui donne le sentiment de l’improvisation et nous en restitue la fraicheur, c’est bien à la riguer plastique d’un Mondrian que s’apparente cette opération génétique : l’instauration d’un espace construit et complet reposant seulement sur la projection dominante des dimensions horizontales et verticales, qu’on peut imaginer se prolonger hors des limites qu’il s’est donné.
L’espace est donc le domaine, « l’affaire » de Michel Parys. Sa manière même de se conformer aux plans et aux limites de la surface qu’il exède pourtant, se souvient des origines murales de la peinture et de son inscription dans l’architecture.
La lumineuse èvidence de sa peinture récente fait d’ailleurs suite à de nombreuses expérimentations intermédiaires entre peinture et structures / objets dans l’espace, qui « matérialisaient » l’organisation de l’espace et du sens. Travaux plus littéralement architecturaux mais paradoxalement moins « complets » que la seule peinture.
Structures bois / papier, volumes, installations… Autant de confrontations tentées entre un espace pictural esquissé ou déjà constitué et l’espace physique. Il n’est pas jusqu’au plus petits éléments, au cœur même du travail, qui n’ait fait l’objet d’un travail d’autonomisation et de spatialisation : lignes, plans, couleurs furent tous à un moment matérialisés par cette volonté de donner corps à l’abstraction dans une sorte de maquettisation généralisée ; Toute cette propédeutique, toutes ces formes transitoires ont donc finalement débouché sur la pure peinture que nous voyons aujourd’hui, son espace « naturel » et son apparente liberté ;
Une de ces formes transitoire liée tout d’abord au travail du papier, mais particulièrement chargée de sens et prémonitoire, a cependant traversé toute ces étapes au travers de résurgences diverses, jusqu’à affleurer en filigrane dans le travail le plus récent : il s’agit du « tressage ». Tressage orthogonal comme en font les enfants à partir de bandes de papier coloré, des deux dimensions de l’espace, horizontale et verticale, soit la réincarnation du damier au sol de Pierro della Francesca, qui nous rappelle qu’une fois le « tableau » rabattu à l’horizontale ( sous le tableau, la table ), verticales et profondeur sont une seule et même chose ;
Michel Parys, en redressant le damier de Pierro, « tresse » l’espace du tableau, et lui donne vie au travers des infinies variations qu’occasionnent abscences, bifurcations, tremblements ou repentirs, notamment dans les plus réussies de ses dernières toiles « aquarellées « .
Bernard Pierron
Octobre 2001